Quand je dis avoir entrepris de rassembler dans mon jardin une collection de fougères, la première réaction qui s’ensuit est généralement de l’étonnement. Quoi de plus banal en apparence qu’une fougère? Qu’elles poussent en peuplements forestiers, dans un coin sombre de jardin ou encore blotties entre les pierres d’un vieux mur, elles nous sont si familières que nous les remarquons à peine.

Et pourtant ces plantes discrètes qui appartiennent au groupe des Ptéridophytes ont marqué un tournant primordial dans l’histoire de l’évolution de la vie. Comme en témoigne des fossiles datant d’il y a 400 millions d’années, les ancêtres de nos fougères actuelles ont été les premiers végétaux à quitter le milieu aquatique pour partir à la conquête de la terre ferme, et ceci bien avant les Gymnospermes, groupe auquel appartiennent les conifères et les angiospermes qui sont les plantes à fleurs.

A l’époque du carbonifère, qui marqua l’apogée de leur développement, il faut se représenter la terre entièrement recouverte de fougères et de prêles géantes atteignant 40 mètres de haut, le tout baignant dans une atmosphère tropicale humide. Comme elles ne fleurissent pas et ne produisent par conséquent pas de graines, la reproduction des fougères est restée longtemps un mystère, alimentant de nombreuses légendes autour de ces plantes dont les « graines » invisibles étaient censé conférer à son heureux possesseur le don d’invisibilité.

En réalité elles se reproduisent selon un processus complexe qualifié d’alternance de générations dans lequel interviennent deux entités distinctes : le sporophyte qui produit des spores et le gamétophyte qui porte les gamètes mâles et femelles nécessaires à la reproduction. Pour plus de précisions, je vous invite à vous reporter à l’article de Géneviève Petit paru dans le bulletin n°91.

Au fil de l’évolution, les fougères se sont adaptées à un large éventail de climats et à toutes sortes d’habitats. Bien que sur les 12 000 espèces connues, la grande partie d’entre elles se trouvent dans les forêts tropicales humides, elles sont présentent dans toutes les régions du globe, du niveau de la mer jusqu’aux hautes montagnes, des régions tempérées jusqu’aux régions polaires, et même, ce qui peut sembler surprenant, dans les zones arides.

Cette grande diversité implique qu’il existe forcément une fougère adaptée à chaque situation rencontrée au jardin. Ce sont des plantes résistantes, de faible maintenance, quasiment exemptes de maladies et de ravageurs, dotées d’une longévité exceptionnelle pour des plantes herbacées.

Même si elles ne fleurissent pas, les fougères ont tout à apporter au jardin. Leurs feuillages déploient une incroyable palette de tonalités vertes, depuis les verts bleutés, grisés, jusqu’aux lies de vin, rosés, cuivrés, dorés en passant par les teintes intermédiaires d’un vert franc. Quant à la diversité des frondes, c’est comme si la Nature, avant de s’attaquer à la question des fleurs, avec la fougère, avait exploré tout le domaine du possible en matière de feuillage. Frondes entières ou finement ciselées, dignes du plus talentueux orfèvre, fougères arborescentes ou minuscules, fougères flottant à la surface des eaux, frondes lustrées ou recouvertes d’un fin duvet, cette diversité est étonnante.

Les fougères méritent une place dans tous les jardins.

Françoise Reth